Les frères MONTGOLFIER

Suivant une tradition ancienne, la famille Montgolfier serait originaire de Frankental, un petit village de Bavière. L’un d’eux ayant pris part à la deuxième croisade vers 1150, fut fait prisonnier par les Turcs et employé par eux dans un atelier de fabrication de papier. Après plusieurs années, étant parvenu à s’échapper, il revint à Frankental où il installa un moulin à papier. Vers 1350, deux membres de la famille émigrèrent en France, à Ambert en Auvergne, qui devint un centre papetier important du Royaume. Vers 1557, suite aux guerres de religion, plusieurs familles émigrèrent. Ainsi, les Montgolfier s’établirent à Beaujeu dans le Beaujolais et les Chelles à Vidalon près d’Annonay.
En 1692, deux frères Montgolfier, Michel et Raymond entreprennent leur tour de France et arrivent à Vidalon. Au cours de leur travail, ils s’éprennent des deux filles du maître papetier Chelles, et le double mariage eut lieu en 1693. En 1702, ils succèdent à leur beau-père à la direction de l’usine de Vidalon. Pierre Montgolfier, fils de Raymond, marié à Anne Duret d’Annonay, eut une famille nombreuse, seize enfants, parmi lesquels devaient s’illustrer Joseph et Etienne.

1782, près d’Annonay, la famille Montgolfier dirige l’importante papeterie de Vidalon. En moins d’un siècle, elle l’a fait passer de l’artisanat à l’industrie. Pierre, le patriarche, règne sur ce petit monde aidé par plusieurs de ses fils. Deux d’entre eux seront à l’origine de la montgolfiere.

Parmi les fils de Pierre, Joseph (1740 / 1810) le douzième enfant a toujours préféré la pratique à la théorie. Il a quitté tôt l’école pour se livrer à des expériences. Perpétuellement préoccupé par une nouvelle invention, il perd facilement contact avec le réel, oubliant sa femme dans les auberges quand ce n’est pas son cheval. Le ballon est une de ses réalisations, mais beaucoup d’autres restent attachées à son nom : bélier hydraulique, lampe d’Argand (en collaboration), presse hydraulique, pompe à feu... En 1800, Joseph est nommé démonstrateur au Conservatoire national des Arts et Métiers.

A l’opposé, Etienne (1745 / 1799), quinzième des seize enfants de Pierre, est un homme très cultivé. Elève de Soufflot architecte de renom (qui a construit entre autres l’Hôtel Dieu à Lyon et l’église Sainte Géneviève à Paris, actuel Panthéon ), il n’a quitté Paris que sur ordre de son père pour diriger la papeterie de Vidalon. A sa mort, sa bibliothèque abrite plus de 1100 volumes. Ses amis se recrutent dans tous les milieux scientifiques parisiens.

Découvertes et expériences : naissance de la montgolfière

Le soir venu, les frères Montgolfier, Joseph et Etienne bien-sûr, mais aussi le chanoine Alexandre-Charles, Jean-Pierre et Maurice-Augustin discutent des études scientifiques du temps. L’hydrogène les intéresse, ils ont essayé d’en fabriquer. La conquête de l’air les passionne. Ils ont lu tous ce qui s’y rapporte.
Novembre 1782, Joseph est à Avignon pour son commerce ; dans sa chambre, un feu de cheminée réchauffe l’atmosphère. Joseph lit un journal traitant du siège de Gibraltar, son regard glisse vers la cheminée où s’élève la fumée et soudain, il voit la solution pour pénétrer dans la ville : "Mais ne pourrait-on point y arriver à travers les airs ? La fumée s’élève dans la cheminée, pourquoi n’emmagasinerait-on pas cette fumée de manière à composer une force disponible ?"
Joseph découpe sur le champ un parallélépipède en taffetas, le coud sur cinq côtés, froisse le journal qu’il lisait , le jette dans la cheminée, présente le sixième côté au-dessus de la flamme et le petit cube s’élève. Joseph a compris. Il écrit à Etienne : "Prépare promptement des provisions de taffetas, de cordages et tu verras l’une des choses les plus étonnantes du monde".

Il part ensuite à pied pour Annonay. Dès son arrivée, la famille s’affaire pour réaliser un petit ballon. Il a un mètre de diamètre, c’est une "chambre cubique" en soie de Florence destinée à confectionner des gilets. Le ballon gagne le plafond, les Montgolfier décident d’en construire un plus gros. Avec leur papier, ils réalisent l’enveloppe, Joseph se livre à de savants calculs pour mettre au point la technique de chauffage pour le gonflement et, le 14 décembre 1782, la famille Montgolfier, dans le jardin de la papeterie de Vidalon, fait s’envoler le premier aérostat que l’on appelera bientôt montgolfière.
Immédiatement, les Montgolfier envisagent une expérience publique et construisent un gros ballon en toile d’emballage renforcée d’une triple épaisseur de papier. Le taffetas laissant facilement s’échapper l’air chaud, le papier va constituer une barrière thermique efficace à laquelle seuls les papetiers pouvaient penser. Le ballon est cependant plus lourd car il a fallu contre-coller toutes ces feuilles. Pour relier les fuseaux, ils ont percé 1800 boutonnières dans lesquelles passent des cordons. Au printemps 1783, diverses démonstrations privées permettent de vérifier la fiabilité de la technique. Ce ballon n’est pas un grand sac quelconque, des calculs mathématiques très poussés ont conduit à la définition de la forme des fuseaux. De nombreuses mesures ont été faites pour établir un parallèle entre la consommation de combustible et la force de levage. Les Montgolfier choisissent le 4 juin 1783 pour leur expérience publique, car, ce jour là, sont réunis à Annonay, les Etats du Vivarais qui n’y reviendront pas avant douze ans. Leur procès verbal sera essentiel.

Parti en direction du nord-est, la montgolfière vole pendant 9 minutes 30 secondes et atterrit environ 2.5kms plus loin sur un muret de pierres près d’une vigne de Pourrat dans la paroisse de Davézieux. Il se couche sur le réchaud et brûle. Apeurés, les paysans n’ont rien fait pour éteindre l’incendie. Mais, la voie des airs est ouverte et ce seront bientôt le premier vol habité et le premier vol humain en montgolfière.